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Les origines et l’évolution du féminisme
Le féminisme, mouvement qui lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes, a une longue histoire. Bien que le terme « féminisme » n’apparaisse qu’au 19e siècle, les idées et revendications féministes remontent à plusieurs siècles.
Les premières voix féministes
Dès la fin du Moyen Âge, des auteurs commencent à critiquer la place accordée aux femmes dans la société. Christine de Pizan, femme de lettres italienne du 15e siècle, est considérée comme l’une des premières à écrire sur la condition féminine. Dans son ouvrage « La Cité des dames » (1405), elle dénonce la misogynie et revendique l’égalité intellectuelle des femmes.
Au 16e siècle, d’autres voix s’élèvent comme celle de l’occultiste allemand Henri-Corneille Agrippa de Nettesheim ou de l’italienne Moderata Fonte. Leurs écrits remettent en question la prétendue infériorité naturelle des femmes et réclament notamment un meilleur accès à l’éducation pour les filles.
Les Lumières et la Révolution française
Le 18e siècle, siècle des Lumières, voit émerger de nouvelles réflexions sur la place des femmes :
Mary Wollstonecraft publie en 1792 « Défense des droits de la femme », considéré comme l’un des textes fondateurs du féminisme moderne.
Le marquis de Condorcet se prononce dès 1787 pour l’égalité entre hommes et femmes, notamment dans le domaine politique.
Olympe de Gouges rédige en 1791 la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne », revendiquant l’égalité totale en droit.
Malgré ces voix progressistes, la Révolution française n’apporte pas de réelle amélioration du statut des femmes. Le Code civil napoléonien de 1804 consacre même l’infériorité juridique de la femme mariée.
La naissance du féminisme organisé au 19e siècle
C’est au 19e siècle que le féminisme s’organise véritablement en mouvement structuré :
Aux États-Unis, la Convention de Seneca Falls en 1848 marque la naissance du mouvement pour les droits des femmes américaines.
En Europe, des figures comme John Stuart Mill en Angleterre ou Hubertine Auclert en France portent les revendications féministes.
Des associations et journaux féministes voient le jour, comme l’Union française pour le suffrage des femmes.
Les principales revendications portent alors sur le droit de vote, l’accès à l’éducation et l’amélioration des conditions de travail des femmes.
Les « vagues » du féminisme au 20e siècle
Au 20e siècle, on distingue généralement trois « vagues » principales du féminisme occidental :
La « première vague » (fin 19e – années 1920) Centrée sur l’obtention de droits juridiques, notamment le droit de vote.
La « deuxième vague » (années 1960-1980) Élargit le combat à des questions comme la sexualité, la famille, le travail. Slogan « Le personnel est politique ».
La « troisième vague » (années 1990-2000) Intègre les questions d’intersectionnalité, de diversité des expériences féminines.
Cette division en « vagues » fait cependant débat, certaines historiennes préférant parler de continuité des luttes féministes.
Les grandes victoires historiques du féminisme
Depuis plus d’un siècle, les mouvements féministes ont obtenu d’importantes avancées pour les droits des femmes. Voici quelques-unes des principales victoires, en prenant l’exemple de la France :
Le droit de vote et d’éligibilité
L’obtention du droit de vote pour les femmes a été l’un des combats les plus emblématiques du féminisme de la première moitié du 20e siècle.
En France, il faut attendre 1944 pour que les femmes obtiennent enfin le droit de vote et d’éligibilité, soit près d’un siècle après les hommes. Les Françaises votent pour la première fois lors des élections municipales d’avril 1945.
Cette avancée majeure est le fruit d’un long combat mené notamment par des figures comme Hubertine Auclert ou Louise Weiss. Elle permet aux femmes d’accéder pleinement à la citoyenneté politique.
L’accès à l’éducation
L’égal accès des filles à l’éducation a été une revendication constante des mouvements féministes depuis le 19e siècle.
Quelques dates clés en France :
1850 : Obligation d’ouvrir une école de filles dans les communes de plus de 800 habitants
1880 : Création de l’École normale supérieure de jeunes filles
1924 : Programmes du baccalauréat identiques pour les filles et les garçons
1975 : Généralisation de la mixité dans tous les établissements publics
Aujourd’hui, les filles sont même plus nombreuses que les garçons à faire des études supérieures. Mais des inégalités persistent dans l’orientation, avec une sous-représentation des femmes dans certaines filières scientifiques et techniques.
Les droits dans le mariage et la famille
Le statut juridique des femmes mariées a longtemps été marqué par une forte inégalité vis-à-vis de leur époux.
Principales évolutions en France :
1938 : Suppression de l’incapacité juridique de la femme mariée
1965 : Droit pour les femmes d’exercer une activité professionnelle sans l’autorisation de leur mari
1970 : Remplacement de la notion de « puissance paternelle » par celle d' »autorité parentale » exercée conjointement
1985 : Égalité des époux dans la gestion des biens de la famille et l’éducation des enfants
Ces réformes ont permis de mettre fin au statut de « mineure juridique » de la femme mariée et d’instaurer une véritable égalité dans le couple.
La maîtrise de la fécondité
Le droit des femmes à disposer librement de leur corps a été un combat central du féminisme de la seconde moitié du 20e siècle.
Dates clés en France :
1967 : Loi Neuwirth autorisant la contraception
1975 : Loi Veil dépénalisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG)
1982 : Remboursement de l’IVG par la Sécurité sociale
2001 : Allongement du délai légal pour l’IVG de 10 à 12 semaines
Ces avancées majeures ont permis aux femmes de mieux maîtriser leur fécondité et de vivre plus librement leur sexualité. Mais le droit à l’avortement reste menacé dans certains pays et nécessite une vigilance constante.
L’égalité professionnelle
La lutte contre les discriminations dans le monde du travail a été un autre axe majeur des combats féministes.
Principales étapes en France :
1907 : Droit pour les femmes mariées de disposer librement de leur salaire
1946 : Inscription dans la Constitution du principe « à travail égal, salaire égal »
1972 : Loi sur l’égalité de rémunération entre hommes et femmes
1983 : Loi Roudy sur l’égalité professionnelle
Malgré ces lois, des inégalités persistent dans les faits (écarts de salaires, « plafond de verre », etc.), justifiant la poursuite des luttes dans ce domaine.
Les combats féministes actuels
Si les mouvements féministes ont obtenu de nombreuses avancées légales au cours du 20e siècle, la lutte pour une égalité réelle entre femmes et hommes reste d’actualité. Voici les principaux champs de bataille du féminisme contemporain :
La lutte contre les violences faites aux femmes
Les violences de genre restent un fléau majeur dans nos sociétés, touchant des femmes de tous milieux.
Elles prennent diverses formes :
Violences conjugales (physiques, psychologiques, économiques)
Violences sexuelles (viols, agressions, harcèlement)
Violences dans l’espace public (harcèlement de rue)
Violences au travail
Les mouvements féministes agissent sur plusieurs plans :
Sensibilisation du grand public (ex : campagnes #MeToo)
Amélioration de la prise en charge des victimes
Renforcement de l’arsenal juridique
Formation des professionnels (police, justice, santé)
Malgré une prise de conscience accrue, les chiffres restent alarmants : en France, une femme meurt tous les 3 jours sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint.
La lutte contre les inégalités professionnelles
Si l’égalité professionnelle est inscrite dans la loi, de nombreuses inégalités persistent dans les faits.
Principaux enjeux :
Écarts de salaires (en moyenne 16,8% en France en 2021)
Temps partiel subi, majoritairement féminin
Sous-représentation des femmes aux postes de direction (« plafond de verre »)
Ségrégation professionnelle (métiers « féminins » moins valorisés)
Partage inégal des tâches domestiques impactant les carrières
Les féministes militent pour :
Un meilleur partage des responsabilités familiales (congé parental)
Des quotas dans les instances dirigeantes
Une revalorisation des métiers à prédominance féminine
Une meilleure orientation des filles vers les filières scientifiques et techniques
L’enjeu est de parvenir à une véritable mixité dans tous les secteurs et à tous les niveaux hiérarchiques.
La lutte contre les stéréotypes de genre
Les représentations sexistes véhiculées par la société contribuent à perpétuer les inégalités.
Les féministes s’attaquent aux stéréotypes dans différents domaines :
Éducation : lutte contre les biais genrés dans les manuels scolaires, promotion d’une pédagogie égalitaire
Médias : dénonciation du sexisme dans la publicité, la presse, les réseaux sociaux
Culture : mise en avant des femmes artistes, scientifiques, sportives souvent invisibilisées
Langage : promotion d’une écriture inclusive pour mieux représenter les femmes
L’objectif est de déconstruire les normes de genre limitantes pour permettre à chacun.e de s’épanouir librement.
La défense des droits sexuels et reproductifs
L’accès à la contraception et à l’avortement, bien que légal dans de nombreux pays, reste menacé.
Les féministes restent vigilantes sur :
Le maintien et l’amélioration de l’accès à l’IVG (délais, remboursement)
L’éducation à la sexualité et à la contraception dès le plus jeune âge
La lutte contre les violences obstétricales et gynécologiques
Le respect des droits des personnes LGBTQIA+
Dans certains pays, le droit à l’avortement est remis en cause, comme aux États-Unis avec l’annulation de l’arrêt Roe v. Wade en 2022.
L’intersectionnalité des luttes
Le féminisme contemporain prend davantage en compte la diversité des expériences féminines.
Il s’agit de reconnaître que :
Toutes les femmes ne subissent pas les mêmes discriminations
Certaines femmes cumulent plusieurs formes d’oppression (genre, race, classe, orientation sexuelle, etc.)
Cette approche intersectionnelle permet de :
Donner plus de visibilité aux femmes marginalisées (femmes racisées, lesbiennes, trans, handicapées, etc.)
Articuler les luttes féministes avec d’autres combats (antiracisme, lutte des classes, écologie, etc.)
L’enjeu est de construire un féminisme plus inclusif, représentatif de toutes les femmes.
Les défis du féminisme au 21e siècle
Le mouvement féministe doit aujourd’hui faire face à de nouveaux enjeux et adapter ses modes d’action. Voici quelques-uns des principaux défis auxquels il est confronté :
Lutter contre le backlash anti-féministe
On observe depuis quelques années une montée des discours hostiles au féminisme, parfois qualifiée de « backlash » (retour de bâton).
Ce phénomène se manifeste par :
La banalisation du sexisme ordinaire
La remise en cause de certains acquis (ex : droit à l’avortement)
Le harcèlement en ligne des militantes féministes
L’émergence de mouvements masculinistes
Face à cela, les féministes doivent :
Déconstruire les clichés sur le féminisme
Renouveler leur communication pour toucher un public plus large
Impliquer davantage les hommes dans la lutte pour l’égalité
L’enjeu est de contrer l’idée que le féminisme serait « allé trop loin » et de montrer sa pertinence actuelle.
S’adapter aux nouveaux modes de militantisme
Internet et les réseaux sociaux ont profondément changé les formes d’engagement militant.
Les féministes investissent ces nouveaux espaces :
Campagnes virales (#MeToo, #BalanceTonPorc)
Cybermilitantisme et éducation populaire en ligne
Création de communautés virtuelles de soutien
Mais cela soulève aussi des défis :
Risque d’un militantisme superficiel (« clicktivism »)
Exposition accrue au cyberharcèlement
Difficulté à transformer la mobilisation en ligne en actions concrètes
L’enjeu est de combiner efficacement militantisme numérique et mobilisations de terrain.